17 juin 1997 : naissance difficile pour Le Mouv’ 17 juin 2012
Posté par Le Transistor dans : Anniversaires,Archives,Histoire,Le Mouv',Radio France , 6 commentairesSans tambour ni trompette, Le Mouv’ fête aujourd’hui son quinzième anniversaire. Les faibles résultats de la station, son maigre bilan, son déficit d’image et son histoire mouvementée incitent apparemment Radio France à faire profil bas pour l’évènement. Aucune déclaration ni émission spéciale ne viendront semble-t-il célébrer cet anniversaire.
Cette journée offre tout de même l’occasion de se pencher à l’aide de quelques archives sur les débuts difficiles de la station et l’histoire agitée de ses premiers mois d’existence.
Tout a donc commencé le mardi 17 juin 1997 à 13 heures par une déclaration de Michel Boyon, PDG de Radio France, et un bref montage sonore :
Lorsque Michel Boyon lance cette nouvelle antenne publique dédiée aux jeunes, la joie est toute relative au sein de la Maison ronde.
Le Mouv’ souffre tout d’abord de l’indifférence, voire de l’hostilité des personnels de Radio France. Personnels qui voient d’un mauvais œil cette nouvelle venue en raison de la culture du secret qui a entourée sa gestation, et des craintes liées à son coût de fonctionnement : faudra-t-il déshabiller d’autres antennes de Radio France pour « nourrir la petite dernière ? » [1].
Le contexte politique du mois de juin 1997 est par ailleurs loin d’être favorable à Michel Boyon, ancien conseiller ministériel sous des gouvernements RPR. Suite à la dissolution de l’Assemblée Nationale souhaitée par Jacques Chirac, le pays connaît sa troisième cohabitation et la nouvelle ministre socialiste de la Culture et de la Communication, fraîchement investie deux semaines plus tôt (Catherine Trautmann), s’intéresse de près aux chantiers audiovisuels lancés par les patrons nommés par la droite.
Ainsi, mise devant le fait accompli du lancement du Mouv’ à son arrivée, la ministre soutient le projet, mais lui donne tout de même trois mois pour faire ses preuves !
Sitôt la rentrée de septembre passée, le ministère de la Culture démarre donc une procédure d’évaluation du Mouv’ et envoie notamment un questionnaire à la présidence de Radio France sur les moyens, le contenu et le développement de la radio. [2]
Un audit approfondi est par ailleurs confié au SJTI (le Service Juridique et Technique de l’Information, dépendant de Matignon). Les conclusions du rapport sont dévoilées quatre mois plus tard, le 2 février 1998, et sont plutôt sévères sur les premiers pas de la station. Elles mettent notamment en exergue le manque de consultation au sein de Radio France sur le projet, un plan de diffusion aberrant, l’équilibre économique précaire du Mouv’, l’improvisation qui a régné lors de son lancement et des programmes à l’ambition plutôt floue.
« Le Mouv’ a été élaboré « à part » de l’entreprise » [3]
C’est là la faute originelle commise par Michel Boyon lors de la réflexion sur ce nouveau programme : il n’a pas jugé bon d’associer les différentes antennes de Radio France au projet, d’où une certaine défiance des personnels à son encontre.
A peine arrivé à la présidence du groupe fin 1995, Boyon est soucieux de rajeunir l’audience vieillissante des chaînes. L’idée d’une station censée attirer des oreilles plus jeunes vers l’univers de Radio France fait son chemin, et reçoit le soutien appuyé du ministre de tutelle de l’époque : Philippe Douste-Blazy.
Pas moins de 150 projets provenant de producteurs, journalistes et techniciens maison sont alors transmis à la tête de Radio France. Ces travaux ne seront cependant jamais réellement pris en compte, et Michel Boyon préfère missionner parallèlement sur le sujet un producteur de France Inter, Olivier Nanteau, conseillé par trois autres personnalités du monde de la radio : Marc Garcia (responsable de la programmation musicale de France Inter, auparavant fondateur et dirigeant d’Europe 2), Gilles Carretero (réalisateur à Radio France), et Joël Pons (ancien de Superloustic, réseau privé destiné aux enfants). [4]
L’attelage travaille alors dans le plus grand secret à ce que sera le contenu du Mouv’, en rapportant directement à Boyon leurs avancées et en utilisant une succession de noms de code pour désigner le projet : Arthurine, puis Alpha, puis Résoméga… [5]
Après un an de travail, de maquettes réalisées, d’embauches effectuées, le projet Mouv’ est prévu pour être lancé au mois de juin 1997. L’agenda politique va alors se superposer à l’agenda médiatique : la droite perd les élections législatives de mai 1997, et un gouvernement « Gauche plurielle » s’installe dans la foulée. A son arrivée rue de Valois, la nouvelle ministre de la Culture et de la Communication, alertée par les syndicats de Radio France, émet quelques réserves sur ce projet de radio publique montée sans réelles consultations et concertations. Michel Boyon n’en a cure et inaugure alors son bébé comme il l’entend, en passant en force.
« Le plus aberrant des plans de diffusion » [6]
Comme l’écrit le Canard Enchaîné en 1998 : « un peu comme si une chaîne de supermarchés choisissait de planter ses magasins là où il y a des terrains vagues disponibles, mais sans savoir s’il y a le minimum vital de consommateurs dans le secteur. La radio jeunes de Radio France n’a pas du tout recherché les villes où le jeune se faisait abondant, mais seulement les villes où Radio France disposait de fréquences disponibles. »
Soucieux de sauvegarder la paix sociale à Radio France, Michel Boyon n’envisage ni de prendre des fréquences doublons aux autres chaines de Radio France (France Musique ou France Culture à Paris, Radio France Hérault à Montpellier…), ni de fermer certaines locales urbaines de FIP pour assurer un réseau de diffusion confortable au Mouv’. Seule Radio France Toulouse est purement et simplement supprimée pour faire place à la station jeune dans la deuxième ville étudiante de France.
Histoire de ne pas être accusé de favoritisme par les groupes radiophoniques privés, le gouvernement ne procède pas de son côté à d’éventuelles préemptions de fréquences, et le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel ne dégage aucune nouvelle ressource hertzienne. Ainsi obligée de rationaliser elle-même son parc d’émetteurs, Radio France en est donc réduite à utiliser les quelques fréquences disponibles dont elle dispose sur de petits bassins de population ; le réseau du Mouv’ est ainsi constitué essentiellement de villes moyennes dans des zones rurales où les étudiants se font rares.
Cette diffusion restreinte, éloignée de son public cible est un caillou dans la chaussure de Michel Boyon. Comment justifier un projet coûteux si son audience est certaine de rester confidentielle ?
« Un risque de dérive non négligeable du budget » [2]
Autre point reproché au Mouv’ : son coût de fonctionnement. Estimé à 33 millions de francs en 1998, il augmenterait de 25% par la suite en raison de l’enrichissement du programme, de l’extension de la diffusion, et surtout du déménagement et de l’installation de toute l’équipe à Toulouse à partir du 1er avril 1998.
Privée de fréquence parisienne, et boudée par les personnels de la Maison ronde, la station devient en effet le premier réseau national développé hors de Paris. Cette décentralisation engendre cependant un surcoût annuel de fonctionnement de 4 à 5 millions de francs. Des ressources doivent donc être trouvées et réparties au sein de Radio France. Les syndicats dénoncent par exemple à l’époque l’importante réduction du budget des émissions dramatiques de France Culture afin de tenir l’équilibre financier du Mouv’. [4]
« Les débuts de la station ont été marqués par un manque de rigueur et une certaine improvisation nuisibles à la crédibilité de l’antenne » [7]
Que peut-on entendre sur le Mouv’ lors de ses premières semaines d’existence ?
Assez peu de vie tout compte fait. Un unique animateur est présent dans les premiers temps : Tristan Pantalacci. Ce n’est qu’à la rentrée de septembre que l’antenne sera dotée d’une véritable grille des programmes et de voix plus nombreuses. En attendant, l’été s’écoule essentiellement avec un flux musical original et diversifié : du rock, de la pop, de l’électro, du rap, des artistes français très bien exposés et un chouïa de world-music deux fois par heure. A mi-chemin entre Radio Nova et Couleur 3, Le Mouv’ représente une véritable alternative musicale aux radios privées et célèbre la « fusion des genres, les nouveaux sons contemporains, et se fait l’écho des nouvelles tendances » [8].
Au milieu de cet océan de musique, « quelques îlots de sens » selon l’expression d’Olivier Nanteau, premier patron du Mouv’, mais aucun rendez-vous à heure fixe, afin de s’adapter aux pratiques d’écoute des jeunes, qui sont censés ne pas consommer les médias comme les autres et zappent énormément. [9]
Quelques courts bulletins d’information se font par exemple entendre à des horaires improbables, comme ici à 13h21 le 17 juin. Hervé Gardette présente le tout premier flash du Mouv’ :
D’autres contenus sur l’emploi, les études, le logement ou la santé déboulent sans crier gare avant de laisser à nouveau la place au flux musical automatisé (Le Mouv’ est alors la première station de Radio France entièrement numérisée et pilotée par informatique). Il s’agit le plus souvent de simples témoignages d’expériences recueillis par les quelques jeunes reporters du Mouv’. A l’image du tout premier sujet diffusé sur l’antenne à 13h13 le 17 juin : une interview d’un plagiste par Rebecca Manzoni.
Excepté ces quelques pastilles, l’antenne est donc bien morne jusqu’en septembre. D’autant que le premier habillage de l’antenne est ultra-répétitif et ne comporte que très peu de jingles :
Ce package peu diversifié présente également le défaut d’être peu compréhensible par l’auditeur distrait. J’écoute quoi là ? Mou ? Houhou ? Gnouf ? Ouf ?
De nouveaux jingles plus intelligibles viendront donc compléter l’habillage dans les mois qui suivent.
« Une conception programmatique plutôt floue » [2]
A partir de septembre 1997, Le Mouv’ trouve sa vitesse de croisière et la grille des programmes s’installe véritablement, alimentée par l’ensemble des animateurs, journalistes, programmateurs et techniciens recrutés (une soixantaine de personnes).
Les animateurs sont chargés de présenter les références musicales pointues et d’introduire les différents modules diffusés : des thématiques hebdos, quatorze flashes infos par jour, une revue de presse, un magazine de la rédaction de vingt minutes, des chroniques multidiffusées (Associations/initiatives, Bouquins, Cinéma, Economie, Europe, Formation, Logement, Médias, Multimédia, Santé, Tendances, Musique). [8]
L’audit du SJTI pointe tout de même en 1998 des programmes dénués de repères horaires clairs et de contenus véritablement consistants, et appelle de ses voeux un recadrage de l’ensemble, à l’exception de la programmation musicale jugée suffisamment ambitieuse.
Et de réorientation il ne sera pas vraiment question dans les mois qui suivent. Olivier Nanteau va rester fidèle à son concept de « radio de flux » et seuls quelques ajustements du programme seront effectués à la marge durant la saison 1998-1999.
La formule expérimentale du Mouv’ n’évoluera véritablement qu’à partir de l’été 1999, sous l’impulsion de Marc Garcia, devenu patron de la station quelques mois plus tôt (Jean-Marie Cavada, le nouveau PDG de Radio France, le nomme le 8 mars 1999).
Garcia conservera l’ensemble des ingrédients du Mouv’ des débuts, mais en les ordonnant et les hiérarchisant. Le flux musical sera également revu et l’éclectisme fera place à une programmation centrée sur une niche plus marketing : le pop-rock.
En échange de ce virage éditorial censé attraper davantage d’auditeurs, Jean-Marie Cavada saura trouver de nouvelles fréquences urbaines au Mouv’ par l’intermédiaire du plan bleu (création de la marque France Bleu et rationalisation du parc de fréquences de Radio France).
Dès lors, cette « radio mal née » gagnera en visibilité et en audience, mais ne sera pas exonérée pour autant de nouvelles péripéties et de nouveaux débats quant à son utilité et sa réelle mission de service public.
Aujourd’hui, la station est finalement devenue sous l’impulsion de Jean-Luc Hees beaucoup plus culturelle et informative mais la question de sa survie se pose toujours au regard de sa confidentialité.
[1] Libération du 18 juin 1997
[2] Libération du 18 septembre 1997
[3] L’Express du 19 février 1998, entretien avec Francis Brun-Buisson, directeur du SJTI
[4] Télérama du 11 novembre 1998
[5] Libération du 6 mai 1996
[6] Le Canard Enchaîné du 18 mars 1998
[7] Libération du 17 février 1998
[8] Brochure de promotion du Mouv’, mai 1998
[9] Interview de Marc Garcia, Télérama du 27 octobre 1999
Illustrations : brochure de promotion du Mouv’, mai 1998
Quand les radios jeunes s’intéressaient à l’élection présidentielle… 25 avril 2012
Posté par Le Transistor dans : Actualité,Archives,Fun Radio,Le Mouv',Skyrock , 1 commentaireA l’heure où l’on découvre que 18% des 18-24 ans ont donné leur premier bulletin de vote à Marine Le Pen dimanche dernier, on est frappé de constater parallèlement le peu d’investissement des radios jeunes dans la campagne présidentielle actuelle.
A-t-on entendu cette année les différents candidats défiler au micro de Difool sur Skyrock, comme ce fut le cas en 2007 ? Non.
Rappelons que la radio urbaine fut pourtant très bien traitée par les politiques de tous bords l’an passé lors de la mobilisation pour son indépendance…
Le débat des présidentielles a-t-il été particulièrement bien relayé lors de chroniques spéciales sur NRJ, Fun Radio ou Virgin Radio ? Pas davantage.
La part de l’information sur ces stations réduit d’année en année ; les journalistes s’y contentent à présent d’annoncer dans l’ordre le « buzz » du jour, le fait divers de la veille, le potin musical de la nuit et quelques sorties de jeux vidéo…
Dans la galaxie des radios jeunes, on doit bien avouer que seul le service public, avec Le Mouv’, a su consacrer intelligemment du temps d’antenne à cette campagne 2012 ; que ce soit dans sa matinale avec force reportages et invités, ou plus particulièrement dans l’excellente République du Mouv’ créée spécialement en septembre dernier pour présenter et décrypter les échéances électorales avec un ton rafraîchissant.
Si la moindre référence au politique paraît ennuyer voire désintéresser totalement les radios privées jeunes en 2012, on se souvient à l’aide de deux exemples d’archives, qu’il en était tout autrement dans les années 90 ; période où ces médias semblaient avoir davantage conscience du rôle citoyen qu’ils peuvent jouer auprès de leur large public.
Ainsi en 1995, Maurice invitait bruyamment sur Skyrock les différents candidats à l’élection présidentielle à s’exprimer dans son émission :
Et sur Fun Radio, toujours en 1995, Jacques Chirac était interpellé à l’antenne par la voix-off de la station suite à son élection :
Décembre 1996 : crise de Rire au CSA 22 décembre 2011
Posté par Le Transistor dans : Archives,Cartographie,CSA,Histoire,NRJ,Rire et Chansons , 15 commentairesEn diffusant illégalement le programme de Rire et Chansons sur une cinquantaine de fréquences en France, le groupe NRJ se lançait en décembre 1996 dans un bras de fer avec le CSA afin d’imposer la constitution de son troisième réseau. Voici un retour chronologique (et sonore) sur les tenants et aboutissants de cet épisode qui chamboulera définitivement le paysage radiophonique français.
1er février 1994 : la loi dite « Carignon » ouvre la possibilité d’augmenter le seuil de couverture à 150 millions d’auditeurs potentiels pour un même groupe. Dans la foulée, les principaux opérateurs nationaux investissent dans un troisième réseau :
- Le groupe Lagardère, déjà propriétaire d’Europe 1 et d’Europe 2 (et assurant la régie commerciale de Skyrock) prend des parts dans la station RFM ;
- La CLT, déjà propriétaire de RTL et Fun Radio, monte au capital de M40 pour la transformer en RTL1 ;
- La SOFIRAD, qui contrôle RMC et Nostalgie, acquiert le réseau Radio Montmartre.
Outre la marque NRJ, le groupe NRJ possède le réseau Chérie FM et cherche à développer son troisième bébé : Rire et Chansons, qui dispose uniquement d’une fréquence à Paris depuis fin 1989. Les tentatives de rachats d’autres stations nationales (RFM, Radio Montmartre) par le groupe n’ayant pas abouti, ses dirigeants se lancent dans une politique de prédation des fréquences des petits opérateurs locaux à travers le pays ; ils envoient des émissaires dans les stations indépendantes commerciales de catégorie B afin d’y faire des propositions financières importantes au nom de la société Radiofina notamment. Rachats, prises de participation, contrats de régie, tous les moyens sont bons pour s’assurer un contrôle d’un maximum de locales stratégiquement situées.
Problème : si le groupe NRJ met la main sur quelques stations en régions, leurs fréquences sont incessibles et la législation interdit aux stations de catégorie B contrôlées de reprendre un programme national identifié, et donc de passer en catégorie C (locales d’un réseau ou franchisées). Au nom du pluralisme et pour protéger les petits opérateurs de l’appétit des plus gros, le CSA veille à l’étanchéité des catégories de radio et a le pouvoir de retirer à un opérateur son autorisation d’émettre sans mise en demeure préalable, en cas de « modification substantielle des conditions d’exploitation » de la fréquence.
30 janvier 1995 : les groupes NRJ, RTL et RMC signent une lettre commune demandant au CSA « d’adapter sa doctrine » et d’amener davantage de souplesse entre les catégories de radios.
10 février 1995 : le groupe NRJ crée le bien nommé « GIE RIRE » (pour « Radios Indépendantes Régionales ») afin de commercialiser 13 radios locales en plus de la parisienne Rire et Chansons, avec le soutient de Marc Zénou, président du SNRP (Syndicat national des radios privées) et patron de Radio Star (Mulhouse) et Radio Service (PACA).
(Rire et Chansons, RVS, Sweet FM, Radio Star, Radio 2000, Ciel FM, Recto Verso, Oxygène, Presqu’Iles, Blackbox, Lazer, RMS, Radio Alligator, Radio Service)
Dans les mois qui suivent, les 13 stations introduisent progressivement dans leurs programmes des extraits de sketches et spectacles comiques ; tout d’abord un seul en début d’heure (précédé du top horaire de Rire et Chansons en version vierge), puis deux, puis trois par heure pour préparer à un changement de format.
Durant la saison 1995-1996, les locales du GIE abandonnent leurs habillages originaux pour les remplacer par différents jingles tels « la FM du rire » ou « la radio la plus drôle » enregistrés à Paris par un animateur d’NRJ (Mike). Exemple ici, avec la toulousaine Lazer :
Le programme ressemble lui comme deux gouttes d’eau à celui de Rire et Chansons à Paris : une suite de sketches et chroniques humoristiques aérés par quelques standards musicaux anciens (Jacques Dutronc, Frank Sinatra, The Rolling Stones, Johnny Hallyday, Serge Gainsbourg…).
Dans le même temps, une toute nouvelle banque de programme radiophonique non identifiée fait son apparition sur le satellite afin d’être reprise en complément par les locales : Canal B, une sorte de « Rire et Chansons bis » avec un habillage propre et une dénomination neutre (« la radio du rire »).
La couleur du programme est ensuite rapidement déclinée localement :
Retour à la chronologie, début mars 1995 : le CSA autorise la CLT à monter au capital de RTL2 (48,5%) et Europe 1 Communication dans RFM (47,2% des parts).
NRJ publie aussitôt un communiqué à l’adresse du CSA lui demandant de «repenser sa réglementation, au nom du pluralisme et du principe de l’égalité de traitement» entre les opérateurs.
Toujours en mars 1995 : le CSA auditionne les différents opérateurs radiophoniques privés sur la régulation du marché et les conditions de contrôle du troisième réseau. Ceux-ci demandent un assouplissement du régime des radios de catégorie B.
12 avril 1995 : dans le Communiqué 293 le CSA admet que dans certains cas exceptionnels (ancienneté de la radio, difficultés économiques) des passages de la catégorie B à la C peuvent être envisagés.
Octobre 1995 : Radio Star (67) et Ciel FM (69) sont autorisées à s’abonner au programme Rire et Chansons. Le CSA accepte le principe de changement de catégorie pour les locales, en passant toutefois par un appel à candidature : l’opérateur doit rendre sa fréquence et déposer un nouveau dossier d’attribution au CSA, au risque de perdre définitivement sa fréquence.
15 décembre 1995 : le Communiqué 319 officialise la position du CSA. Les radios locales souhaitant s’affilier à un programme national doivent d’abord rendre leur fréquence, avant que le CSA les autorise à passer en catégorie C. Le Conseil insiste également sur sa vigilance vis à vis de l’entrée des réseaux au capital des radios de catégorie B.
Mi-Juillet 1996 : le groupe NRJ affirme avoir signé un accord de franchise Rire et Chansons avec déjà cent radios locales.
24 octobre 1996 : le syndicat des radios généralistes privées (RTL, RMC et Europe 1) monte au créneau et demande une audience au CSA, afin d’affirmer son «opposition» à tout changement de doctrine «qui rendrait encore plus inéquitable qu’aujourd’hui la répartition des fréquences entre réseaux thématiques et radios généralistes».
Lundi 2 décembre 1996 : déplorant le traitement trop long des demandes de changement de catégorie de la part du CSA et le retard que prend ainsi la constitution de leur troisième réseau, les dirigeants du groupe NRJ décident d’imposer en force la diffusion de Rire et Chansons sur 15 stations contrôlées.
Mercredi 4 décembre 1996 : les 15 stations basculent sur le programme de Rire et Chansons à 21 heures.
Jeudi 5 décembre 1996 : à la place de leurs programmes habituels les auditeurs se réveillent avec la matinale de Rire et Chansons (« L’Argence tout rire ») entrecoupée de décrochages publicitaires et de bulletins d’informations locales. Les jingles réalisés à la va-vite déclinent sur tous les tons l’appartenance des stations à un réseau.
Ce même 5 décembre, les protestations du monde la radio (syndicat d’indépendants et grands groupes) affluent au CSA.
Lundi 9 décembre 1996 : le CSA envoie des mises en demeure aux quinze stations ayant basculé « Rire et Chansons » les sommant de revenir à leur programme initial ; ces mises en demeures restant sans résultat, une procédure de retrait d’autorisations est lancée dans les jours qui viennent.
Mercredi 11 décembre 1996 : le syndicat des radios généralistes privées s’insurge contre les paroles et les actes du groupe NRJ.
Jeudi 12 décembre 1996 : plutôt que d’obtempérer aux mises en garde du CSA, le groupe NRJ augmente le rapport de force en sa faveur en mobilisant sur l’antenne de Rire et Chansons animateurs et humoristes populaires. Ceux-ci, certainement très mal informés, dénoncent « la répression et la grave atteinte à la liberté d’expression» orchestrée par le CSA. On veut « tuer leur radio » et « bâillonner l’humour en France » !
Les auditeurs passent également sur l’antenne pour soutenir leur station. Très rapidement, ils sont invités à exprimer leur mécontentement aux standards du CSA et du Premier Ministre Alain Juppé.
Même la grande sœur NRJ encourage à chaque début d’heure l’opération de lobbying sur son antenne avec une rare mauvaise foi.
Ce même 12 décembre 1996 : réunis en séance plénière les sages du CSA sont plutôt favorables à l’autorisation pour les radios locales concernées de diffuser le programme national identifié, à l’exception de Philippe Labarde, président de la commission radio, ainsi que Monique Dagnaud et Geneviève Guicheney.
Vendredi 13 décembre 1996 : Matignon, dont le standard est assailli de coups de fil depuis la veille, renvoie la patate chaude au CSA dans un communiqué : « le Premier Ministre souhaite que le CSA assume dans le cadre de la loi toutes ses responsabilités et trouve dans les délais les plus rapides une solution qui permette un développement harmonieux de toutes les catégories de radio».
Lundi 15 décembre 1996 : Jacques Rigaud, Président de RTL, s’indigne de «la manière dont le CSA est amené en catimini, dans l’urgence et sous la pression, à modifier le paysage radiophonique».
Les dirigeants d’NRJ sont reçus au CSA. Le Conseil conditionne toute négociation au retour à la légalité des 15 stations en faute. Le soir même, elles reprennent leurs programmes locaux et abandonnent la dénomination « Rire et Chansons » pour redevenir des « radios du rire ». Les négociations vont pouvoir commencer.
Mardi 16 décembre 1996 : en désaccord avec le Président Hervé Bourges sur la gestion du dossier Rire et Chansons et la régulation du monde radiophonique, le conseiller Philippe Labarde démissionne de la présidence de la commission radio du CSA.
Mercredi 17 décembre 1996 : les quatre syndicats de radios commerciales françaises réunis au sein d’un bureau de liaison demandent une audition conjointe au CSA et menacent : «le Conseil doit être clairement conscient que s’il devait malgré tout démissionner de fait de son mandat de régulateur en cédant au coup de force de NRJ, toutes les autres radios en tireraient immédiatement les conséquences»
Jeudi 18 décembre 1996 : le patron de Fun Radio, Benoît Sillard, s’immisce dans la crise en appelant à son tour ses auditeurs à saturer le standard téléphonique de Matignon pour protester contre les méthodes d’NRJ.
Samedi 20 décembre 1996 : le gouvernement annonce la révision prochaine de la loi Carignon.
10 février 1997 : dans un communiqué, le CSA réaffirme le principe des 5 catégories de radios et l’obligation de restitution de fréquence en cas de changement de catégorie.
Mars 1997 : mi gendarme, mi conciliateur, le Conseil se lance dans une vaste remise à plat du paysage radiophonique et invite les grands groupes à restituer l’ensemble de leurs fréquences acquises et contrôlées officieusement afin qu’une redistribution équilibrée et validée légalement puisse se faire. C’est le « Yalta des fréquences » censé profiter à l’ensemble des acteurs de la filière : le CSA passe l’éponge sur les rachats sauvages et garantit un traitement équitable des demandes d’extension des réseaux en échange de leur transparence.
19 novembre 1997 : le CSA annonce la redistribution de 472 fréquences entre acteurs locaux, régionaux et nationaux.
A l’issue de cette répartition, le réseau Rire et Chansons et ses locales de catégorie C sont reconnus officiellement et juridiquement.
17 mars 1998 : dans le feuilleton de la privatisation d’RMC et de ses filiales, l’Etat autorise NRJ à prendre le contrôle de 80% du capital de Radio Nostalgie.
26 mai 1998 : les dernières locales ayant fait la demande de changement de catégorie pour diffuser le programme Rire et Chansons ayant toutes basculé en catégorie C à cette date, la banque de programme non identifiée « Canal B » (« la radio du rire »), diffusée sur les stations pour les pré-formater avant leur transformation, cesse d’émettre.
28 mai 1998 : l’achat de Nostalgie par NRJ reçoit l’agrément du CSA ; mais le groupe, en position dominante sur certaines zones géographiques, doit renoncer à la publicité locale sur l’un de ses quatre réseaux. C’est l’antenne la plus faible commercialement qui est sacrifiée : Rire et Chansons. Sans publicité locale, il devient inutile légalement de maintenir des programmes décrochés en régions. Les stations sont fermées et les commerciaux, animateurs et journalistes des anciennes radios de catégories B sont donc licenciés ou intégrés sur d’autres antennes du groupe dans les mois qui suivent. Les fréquences deviennent « passives », à l’exception de Paris.
Au final, NRJ a donc réussi à imposer le développement de son réseau et le « blanchiment » par le CSA de certaines fréquences obtenues de manière trouble. Son coup de force de décembre 1996 aura également déclenché une véritable redéfinition des contours du paysage radiophonique privé profitant à l’ensemble de ses concurrents.
L’autorité régulatrice, prise en sandwich entre sa volonté d’équilibrer le marché et les velléités de déréglementation des grands groupes et du législateur, aura surtout accompagné un mouvement accéléré de concentration du secteur.
Ironie du sort, l’instance qui protégeait en 1995 les petites stations de radio des assauts des prédateurs nationaux au nom notamment de la défense de l’emploi local s’est retrouvée trois ans plus tard à l’origine de la fermeture de ces mêmes antennes devenues filiales ou franchisées. Une décision qui grossira un peu plus le cimetière des radios locales disparues.
(Radio Artesia, CSM, RVS, Radio Nord Seine-et-Marne, Sweet FM, Liberté FM, Mélodie FM, Radio Star, Radio 2000, Recto Verso, Oxygène, Radiogram, Bleu Marine, Presqu’Iles, RSV, RLS, Ciel FM, WFM, Contact FM, RDI, Fréquence 7, Radio Service, Radio Palace, Radio Alligator, RMS, Lazer, Horizon Radio, Cant’FM, Fréquence Alci, Radio 9)
Sources :
- Robert Prot, Dictionnaire de la radio (PUG-INA 1997)
- Aymeric Mantoux et Benoist Simmat, NRJ L’empire de ondes (Mille et Une Nuits 2008)
- Libération
- CSA.fr
- Schoop.fr
- Radioactu.com
- Eldoradio.fr
- 100ansderadio.free.fr
Le Mouv’ : grille de la saison 2011-2012 28 août 2011
Posté par Le Transistor dans : Actualité,Le Mouv',Radio France , ajouter un commentaireVoici la grille « semaine » qui sera mise à l’antenne demain matin sur Le Mouv’. Pas vraiment de « révolution Blanc-Francard » au programme…
Du lundi au vendredi :
6h – 7h : « Une heure de bonne heure » (Vivian Cug)
7h – 9h : « Le 7-9″ (Amaelle Guiton)
9h – 12h : « Le 9-12″ (Charline Roux)
12h – 14h : « Le Midi 2″ (Philippe Dana)
14h – 17h : « Rodéo sur Le Mouv’ » (Christophe Crénel)
17h – 18h : « Plan B pour Bonnaud » (Frédéric Bonnaud)
Du lundi au jeudi :
18h – 18h30 : « La République du Mouv’ » (la rédaction)
18h30 – 19h30 : « La Morinade » (Daniel Morin et Giulia Foïs)
19h30 – 20h30 : « Francosonik » (Emilie Mazoyer)
20h30 – 22h : « Allô la planète » (Eric Lange)
22h – minuit : « Laura Leishman Project » (Laura Leishman)
Le vendredi :
18h – 19h30 : « Cissé Sport » (Sylvère-Henry Cissé)
19h30 – 20h30 : « La Tweet-liste » (Emilie Mazoyer)
20h30 – 22h : « Allô la planète » (Eric Lange)
22h – minuit : « Laura Leishman Project » (Laura Leishman)
« J’aime, j’aime » les refrains réinterprétés en jingles 25 mai 2011
Posté par Le Transistor dans : Archives,Habillage,Histoire,Radios libres , 3 commentairesPour marquer les 30 ans de la libéralisation de la bande FM, ce blog inaugure aujourd’hui une rubrique historique réalisée par le site Radio Brest à l’aide d’archives sonores personnelles.
Au début des années quatre-vingt, les maisons de disques s’intéressent de très près aux nouvelles venues sur la bande FM. Essentiellement musicales, elles constituent une belle opportunité de faire connaître les artistes boudés par les périphériques. Et elles cartonnent auprès des Français. Ainsi, en 1983, deux ans après leur éclosion, les radios libres sont créditées d’une audience de 22.1 % sous le vocable « d’autres radios », entre RTL 24.3% et Europe 1, 20%. Pour promouvoir leurs protégés, les maisons de disques n’hésitent pas à leur faire rechanter le refrain de leur chanson avec le nom de quelques radios locales bien implantées. C’est le cas par exemple de Patrick Alexandroni qui décline ici le refrain de son tube « J’aime, j’aime » pour la parisienne Radio Tour Eiffel et la niçoise Radio Baie des Anges.
Le titre original :
La version Radio Baie des Anges :
La version Radio Tour Eiffel :
Frédéric – RadioBrest.net